Aujourd’hui, de nombreuses choses sont devenues normales alors qu’elles étaient impensables il y a vingt ans. Et c’est pourquoi il nous est difficile d’imaginer ce que cela a dû signifier pour les anciens habitants de Dornach lorsque la construction du premier Goetheanum et des maisons de la colonie anthroposophique a commencé il y a plus d’un siècle. Qu’ont pu penser les paysans, les artisans, les notables lorsqu’ils ont vendu leurs terrains à des citadins aux idées incompréhensibles, leur ont loué des chambres et leur ont offert des denrées alimentaires comme des services ? Que ressentait une simple paysanne à la vue d’une aristocrate européenne vêtue de vêtements réformés flottants, parée d’opulents bijoux au symbolisme étrange et peut-être accompagnée d’un homme qui n’était pas son mari ? Et quelles rumeurs circulaient sur ce qui était enseigné et pratiqué dans le « temple » au-dessus des deux centres de Dornachbrugg et Oberdornach ?

En contrepartie, Rudolf Steiner a toujours essayé d’expliquer son impulsion aux non-anthroposophes, de lever les inhibitions et de transmettre aux membres de la Société anthroposophique une conscience de leurs voisins - lorsque, par exemple, il s’insurgeait dans une conférence contre le piétinement inconsidéré des pâturages paysans par les habitants de la colonie anthroposophique.

Aujourd’hui, Dornach et le quartier de la colline ont fusionné, sur le plan spatial et architectural, mais aussi, d’une certaine manière, sur le plan social. Le Goetheanum, avec son rayonnement international en tant que lieu de culture et de conférence, est un facteur économique important dans toute la région. Weleda, Demeter, les écoles Rudolf Steiner font partie du quotidien d’aujourd’hui. Et il est vrai que les personnes qui disent qu’elles vont visiter le Goetheanum reçoivent comme réponse « Alors vous allez à Dornach ? » et que les personnes qui disent qu’elles viennent de Dornach entendent : « Ah, là où se trouve le Goetheanum ».

Images : © Archives Baravalle